« Il entra en lui-même »
(Luc 15,17)

> Franchement, ma première réaction en lisant l’Évangile de ce dimanche, ça a été : « Oh non ! Pas encore le fils prodigue ! » Ce texte, on le connaît trop bien. On l’a retourné dans tous les sens : l’accueil du Père, la repentance du fils cadet, la jalousie du fils aîné… et pourtant, il y a comme une gêne à le relire encore. Peut-être parce que, dans notre monde d’aujourd’hui, les divisions ne se vivent pas tant entre ceux qui sont dehors et ceux qui sont dedans, mais bien à l’intérieur de la maison, entre frères. Le fils aîné, c’est celui qui est resté, fidèle, engagé. Il connaît les règles, il sert. Il pourrait être cette Église attachée à ses repères, « fidèle à ce qu’elle a toujours connu », enracinée, voire méfiante envers les élans nouveaux. Il ne s’oppose pas à son frère en tant qu’étranger, mais en tant que frère revenu. Et c’est là que ça coince : il ne le reconnaît plus comme tel. Il dit à son père : « ton fils que voilà », comme s’il n’en faisait plus partie.
> Et si cette parabole n’était pas tant un appel à « revenir à Dieu » qu’un appel à rentrer dans la joie de l’autre, même quand elle nous dérange ? Et si notre plus grand combat spirituel n’était pas de convertir les autres, mais de rester dans la maison du Père sans devenir amer ? Aujourd’hui, les tensions dans l’Église nous traversent aussi : progressistes, traditionnels, charismatiques, militants… on se regarde parfois de loin, avec jugement ou ironie. Mais le Père, lui, sort vers chacun. Il supplie : entre. Entre dans la fête. Réjouis-toi de l’autre. Peut-être que le premier pas, avant d’entrer dans la maison, c’est d’entrer en soi-même — comme l’a fait le plus jeune fils. C’est là, dans ce lieu intérieur, que commence le retour vers Dieu. Alors cette semaine, que le Seigneur nous donne de retrouver nos frères et sœurs là où ils sont. Et que la fête ne nous laisse pas dehors. Amen.