« Heureux… »
Mt 5,3…
> Il y a quelque chose de solennel dans les premiers mots de l’Evangile de ce dimanche. La précision du déroulement invite à se représenter la scène : Jésus gravit la montagne, s’assied, les disciples s’approchent. Puis une insistance, « ouvrir la bouche, enseigner », qui met en valeur l’acte de parole de Jésus. Il ouvre la bouche pour un long discours, trois chapitres, dans lequel il déploie les harmoniques du bonheur annoncé par les premiers versets.
Jésus ouvre la bouche, il nous faut ouvrir les oreilles. C’est d’ailleurs ce à quoi il invite à la fin de son enseignement : « Tout homme qui entend les paroles que je viens de dire et les met en pratique… » (7, 24) Le bonheur que Jésus promet est à « mettre en pratique », littéralement « à faire ». Un bonheur à construire, à cultiver. Si les béatitudes sont à pratiquer c’est que le bonheur qu’elles promettent n’a rien à voir avec celui que vantent les agences de voyage : sable fin, mer bleue et cocotiers… Il ne dépend pas des circonstances et des conditions extérieures. Christiane Singer va même jusqu’à parler d’un(e) bon(ne) heur(e) de mélancolie. « C’est un(e) bon(ne) heur(e) parce que je la soulève dans mes bras. Je la prends à moi. C’est mon accueil qui en fait un(e) bon(ne) heur(e). La transformation ne peut commencer que là où j’acquiesce. » Accueillir la pauvreté de cœur, les pleurs, la faim et la soif de justice, et même la persécution pour en faire un chemin de bonheur. C’est ce qu’ont fait nos aînés dans la foi, fêtés ce dimanche.
Voilà ce que propose le discours sur la montagne non pas un bonheur bon marché mais un bonheur qui coûte, pour reprendre une expression de Dietrich Bonhoeffer « la grâce qui coûte ».