« Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. »
Jean 6,63b
> La première action de chacune de mes journées est toujours de lire et méditer quelques minutes les textes bibliques que nous propose telle ou telle communauté pour ce jour-là. Ce repas spirituel du début de ma journée est plus important encore que le petit déjeuner : si je le néglige, les forces me manquent très rapidement dans la suite de mes activités.
> Croyez-moi ou non : il ne se passe pas un matin sans que la Parole ne m’apporte esprit et vie, si je lui donne une chance d’agir. C’est-à-dire si je la rumine quelque peu et que je la laisse déployer ses effets dans ma journée.
> La Parole de Dieu est beaucoup plus qu’un recueil de vieux textes composés il y a des siècles. Elle est parole pour aujourd’hui, pour ma vie de ce jour, pour le présent. Elle enrichit la journée tout entière de celui ou de celle qui la laisse s’exprimer dès le matin. Essayez, vous verrez, cela illumine la journée…
« Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas. »
Jean 6, 49-50
> Dans le désert, le peuple hébreu avait reçu la manne, don de Dieu pour se nourrir, pour tenir la longue marche, pour garder espoir face à la menace de la mort. Aujourd’hui aussi, nous recevons le pain vivant qu’est Jésus pour nous nourrir, pour tenir notre longue marche, pour garder espoir face à la menace de la mort. Mais ce pain est pain d’éternité qui permet de ne pas mourir. C’est toute la différence.
> Au fond, dans ce verset, Jésus veut changer notre regard sur la mort. Par sa vie et par la croix, Jésus nous offre la vie éternelle comme une espérance qui vient se poser sur nos deuils. Pain vivant offert qui ouvre sur une espérance, le Christ se propose à nous. Quelle sera notre réponse ?
> Plus profondément encore, ce passage d’Evangile vient nous questionner sur notre façon d’être au monde et témoigner face à la mort : comment pouvons-nous, nourris par l’espérance du pain vivant qu’est Jésus, être des signes d’espérance dans le monde actuel ? Une vraie question à laquelle nous sommes invités à réfléchir cette semaine.
« Le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel pour donner la vie au monde. »
Jean 6,33
> Opération marketing réussie. La foule croissante se rue à la poursuite de Jésus pour voir quel prochain miracle il fera, à la suite de la multiplication des pains! Mais Jésus n’est pas dupe: il sait bien qu’ils le cherchent pour plus de signes et qu’ils ont besoins d’être rassasiés de pain terrestre! Alors il va tenter de les recentrer sur ce qui demeure et de les faire passer symboliquement du concret au spirituel, de leur faim toute humaine à la faim du plus essentiel…
> Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt. La foule creuse sa mémoire pour trouver un signe dans l’histoire du peuple d’Israël et elle pense alors à Moïse distribuant la manne. Plutôt que de mettre Moïse en avant, Jésus pointe vers Dieu le Père pour donner plus de sens au don de la manne au désert, et du coup l’analogie coule de Source: aujourd’hui c’est Lui qui va se faire pain de vie pour le monde, pétri et façonné dans l’Amour du Père pour que les humains n’aient plus jamais faim…
> A mon tour de me questionner: si je reçois ce pain, quelle influence sur mes rencontres? Puis-je à mon tour pointer à travers elles non pas sur moi-même avec toutes mes compétences… mais vers Celui qui m’envoie? Si je me laisse pétrir comme du bon pain et façonner comme une hostie… pourra-t-on rencontrer à travers moi Celui qui est la Source et qui bénit ? Voilà un beau défi pour étancher nos soifs au coeur de l’été !
Une foule nombreuse venait à lui. « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? ».
Jean 6, 5
> Dans ce miracle connu de l’Évangile mettons-nous avec la majorité : dans la foule immense de plus de 5000 personnes qui suit Jésus. Si l’on se base que sur le texte personne ne se demande quand il y aura à manger et quoi. De deux choses l’une, soit les gens avaient confiance qu’ils seraient rassasiés, soit leur priorité était de suivre cet homme au vu « des signes qu’il accomplissait sur les malades », au détriment de leur confort.
Ce qui est encore à noter dans ce passage c’est que Jésus non plus ne se pose pas la question, il sait ce qu’il va faire ! Pourtant il questionnera Philippe pour tester s’il avait confiance dans la créativité divine de Jésus. Son réflexe est humain : il réfléchira à des aspects d’ordres bien réels, pécuniaire et se sent limité, bloqué.
> Cette semaine tentons d’être dans une confiance aveugle envers Dieu face aux blocages de la réalité. Focalisons sur les signes que Dieu accomplit autour de nous. Soyez bénis et rassasiés !
« J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter maintenant…Quand l’Esprit viendra, il vous conduira dans toute la vérité. »
(Jean 16.12-13)
> J’aime comme Jésus, dans ce long adieu, laisse le temps au temps… et ménage ses disciples en les préparant à son départ! Toute vérité n’est pas bonne à entendre et surtout on ne peut pas être boulimique de la vérité, ce serait trop lourd à porter. C’est pourquoi Jésus promet à ses disciples cet Esprit, ce Consolateur pour être conduits progressivement dans le discernement.
Cet Esprit veut nous rencontrer tout spécialement dans les temps de remise en question et d’ajustement : te laisseras-tu inspirer ?
« J’ai voulu en découdre, connaître ta volonté Tenir un souvenir Comprendre tout de toi, t’attraper, te saisir Mais l’Esprit m’a soufflé : La vérité jamais ne tient dans un souvenir Elle vibre de redire chaque jour qu’il est vivant Tu ne saisiras rien Ce qui est saisissant, c’est la mémoire du vent. » (M. Muller-Colard)
« Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. »
Jn 17,11b
> Un des souhaits de Jésus est que le Père nous garde unis en un même nom. « Ton nom » dit Jésus. S’agit-il alors du mot « Père » ? Non puisqu’il reprend : « Le nom que tu m’as donné. » Le seul nom que le Père et le Fils ont en commun est Dieu. Et l’Amour puisque Dieu est Amour. > Il s’agit donc, pour nous, d’être unis dans l’Amour, dans la charité mutuelle. Unis comme le Père et le Fils par l’Esprit, ce souffle d’Amour. > Quelles que soient nos divisions, l’Amour souffle par-dessus, si nous le voulons bien. Et d’abord l’Amour de l’autre dans notre prière. Soyons donc, comme Chrétiens, des disciples de l’Amour entre nous et envers les autres. Cela commence par prier les uns pour les autres. On s’y remet ?
« Je vous ai établis afin que vous alliez et que vous portiez du fruit… »
(Jean 15, 16)
Qu’est-ce à dire ?
> Encore une parole de Jésus qui bouleverse les codes et les conventions. Il commence par dire qu’Il nous a établis. Ce verbe a plusieurs acceptions qui sont basées sur deux axes. Le premier axe s’appuie sur l’idée de mettre solidement en place. Le second se pose sur l’idée d’aboutir à une construction, à une œuvre, à un résultat. Jésus a l’intention de nous faire sortir de la situation qui est habituellement la nôtre.
Dans sa lettre aux Ephésiens, Paul décrit cette situation en ces termes : afin que nous ne soyons plus des enfants, flottants et emportés à tout vent de doctrine. (Eph. 4, 14). Jésus désire que, chacun individuellement, nous soyons enracinés en Lui. Mais, sa vision est bien plus vaste, Il a un projet de construction. Son nom est l’Eglise. Paul le rappelle aux Ephésiens : En lui vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en Esprit (Eph. 2, 22).
Puis, Jésus ajoute qu’Il veut que nous allions. N’est-ce pas antinomique : être établi et aller ? Pour nos esprits limités cela ne fait pas de doute, mais pour le Tout-Puissant, certainement pas. Le mystère ne s’arrête pas là, car voici que Jésus souhaite que nous portions du fruit. L’équation ne se résout que si nous envisageons de considérer l’Eglise comme un corps vivant, alors elle peut marcher. C’est uniquement si ce corps vivant est attaché au cep qu’il portera du fruit. Ne nous laissons pas bercer par des mots cent fois entendus et si rarement compris. Quittons nos ornières pour suivre le Christ hors des sentiers battus.
> Dans son discours d’adieu à ses amis, Jésus leur rappelle le chemin pour la suite : demeurer avec lui. Avec cette image de la demeure, il intègre la totalité de la personne : l’idée n’est pas juste d’avoir un lien avec le Christ, mais de demeurer avec lui pleinement, totalement, avec tout son cœur, tout son être et toute sa pensée. Autrement dit, d’habiter avec lui.
Et c’est un double mouvement qui est proposé : à la fois aller au Christ, et à la fois le laisser venir à nous, lui faire de la place, pour habiter avec lui. Et si la foi était d’abord une hospitalité ?
Cette semaine, laissons le Christ demeurer en nous. Prenons soin de cette relation, de ce cœur à cœur avec Lui qui a lieu dans notre lieu d’habitation la plus profonde. Soyons hospitalier avec Lui. Mettons-nous à l’écoute de Sa parole, faisons-lui la meilleure place comme à nos meilleurs invités. Et ainsi, et seulement ainsi, nous pourrons porter beaucoup de fruits.
Méditation en mémoire des moines de Tibhirine qui, il y a 25 ans, donnaient leurs vie à la suite du Bon Pasteur
> Donner sa vie jusqu’à en mourir. C’est ce que Jésus a fait. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15, 13) Ce plus grand amour, il l’a aussi exprimé en lavant les pieds de ses disciples. Le chapitre 13 de Jean commence par ces mots : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » (Jn 13, 1) « Aimer jusqu’au bout » cela dit, bien sûr, la mort de Jésus en croix pour nous arracher à la mort. Cela dit aussi le geste modeste et banal – qui n’est pas banal quand c’est Jésus, le Seigneur et le Maître, qui le pose – du lavement des pieds. Il y a là quelque chose de paradoxal : que l’extrême de l’amour puisse se dire dans un geste si quotidien – dans la culture du peuple juif du temps de Jésus.
Fr Christian, moine de Tibhirine, commente : « Prendre un tablier comme Jésus, cela peut être aussi grave et solennel que le don de la vie… et vice versa, donner sa vie peut être aussi simple que de prendre un tablier. » (Homélie du Jeudi Saint, 31 mars 1994) Par solidarité avec le peuple algérien les moines de Tibhirine ont choisi de rester en Algérie, sachant qu’ils risquaient leurs vies. Ils ont donné leurs vies jusqu’à en mourir. Ils l’ont d’abord donnée au pas à pas du quotidien. Fr Christian écrit : « Donner sa vie pour ceux qu’on aime n’est pas un acte isolé qui s’identifierait, dans l’existence de Jésus, au don suprême consommé au Calvaire. Jésus a pris soin d’avertir que la Croix elle-même est de “chaque jour” (…) Ce qui s’est passé aux heures de la Passion, c’est de l’Incarnation continuée. » (Chapitre de communauté, 30 janvier 1996)
Nous sommes les « brebis » pour lesquelles Jésus donne sa vie. Nous sommes aussi les « brebis » appelées à le suivre (Jean 10,4). A le suivre jusqu’à l’extrême de l’amour qui consiste à donner sa vie. Nul besoin d’attendre des événements extraordinaires. C’est aujourd’hui, dans la banalité et la simplicité du quotidien, que je peux, moi aussi, donner ma vie.
« Cesse d’être un incroyant et deviens un homme de foi! »
Jean 20,27
> Je la prends pour moi cette semaine cette injonction à Thomas. Combien de fois je doute moi aussi, je touche à mes blessures ou à celles des autres et je m’effraie, je chancelle!
Alors le Christ me rappelle que comme pour Thomas, il est sensible à mon cheminement tortueux sur le sentier de la foi, qu’il ne m’en évitera peut-être ni les creux ni les nids-de-poule, mais qu’au bout de ce chemin-là, la vulnérabilité sauvera le monde, elle l’a déjà sauvé ! Pour que moi aussi je puisse m’exclamer: Mon Seigneur et mon Dieu!!